Sommet sur les systèmes alimentaires : Message d’optimisme et de prudence des petits producteurs africains envoyé aux dirigeants participants
Les petits exploitants agricoles d’Afrique subsaharienne subissent plus que les autres les conséquences des changements climatiques, de la pauvreté et de la dénutrition. Pourtant, les résultats d’un nouveau rapport indiquent que nombre de ces petits exploitants demeurent optimistes quant à l’avenir de l’agriculture. Deux tiers des milliers d’agriculteurs qui ont répondu à cette enquête menée dans quatre pays estiment que leurs enfants ont un avenir dans l’agriculture, mais nombre d’entre eux mettent aussi en garde sur la nécessité de faire évoluer les systèmes alimentaires pour pouvoir vivre de l’activité agricole.
Le rapport, intitulé « Les dialogues à l’antenne: à l’écoute des populations rurales», a été établi par Radios Rurales Internationales, le Fonds international de développement agricole (FIDA), Vision Mondiale Canada et le Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire. Il présente des données recueillies pendant trois semaines en juin 2021 par six stations de radio dans quatre pays d’Afrique: le Burkina Faso, le Ghana, l’Ouganda et la Tanzanie. Au moyen d’émissions de radio interactives et de sondages innovants réalisés sur téléphone portable, les agriculteurs ont pu faire directement part de leurs préoccupations et de leurs propositions en vue de réformer les systèmes alimentaires mondiaux. Au total, 3 494 participants ont adressé 11 854 réponses et laissé 2 648 messages audio.
La publication de ce rapport a été planifiée afin de faire entendre la voix des petits exploitants ruraux d’Afrique subsaharienne lors du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, un événement qui a réuni des dirigeants mondiaux, des scientifiques, des universitaires, des conseillers politiques et des responsables des Nations Unies, mais peu de producteurs alimentaires parmi les plus pauvres de la planète.
« On s’accorde de plus en plus à reconnaître, partout dans le monde, que les solutions ne peuvent être durables et pertinentes que si elles tiennent compte de la réalité et des expériences locales. Le problème est que les dirigeants ont souvent du mal à obtenir des points de vue du terrain, notamment depuis les zones reculées. Associée aux nouvelles technologies, la radio constitue un puissant outil trop souvent négligé », a déclaré Hélène Papper, Directrice de la Division de la communication du FIDA. « Les informations de première main fournies par la multitude d’agriculteurs interrogés nous permettent de mieux comprendre les difficultés qu’ils rencontrent et de déterminer la meilleure façon de les aider pour qu’ils puissent rester dans leur communauté et assurer l’avenir de leur famille en continuant à travailler dans le secteur agricole. Ce sont ces voix que les dirigeants mondiaux qui se sont réunis cette semaine à l’occasion du Sommet sur les systèmes alimentaires doivent entendre et prendre en compte », a-t-elle ajouté.
« Trente pour cent des denrées alimentaires mondiales sont produites par des petits exploitants agricoles qui cultivent des parcelles de moins de deux hectares et, paradoxalement, ces derniers ont le plus grand mal à participer aux discussions et aux processus décisionnels mondiaux », a souligné de son côté le porte-parole de Radios Rurales Internationales, Kevin Perkins. « Le rapport présenté aujourd’hui change la donne. Notre objectif était de créer une plateforme permettant aux populations rurales, notamment les femmes et les jeunes, de faire part de leurs préoccupations et de leurs solutions en vue d’établir des systèmes alimentaires plus sains, plus durables, plus productifs et plus équitables », a-t-il expliqué.
Oscar, un petit exploitant agricole tanzanien, fait partie de ceux qui ont participé à l’enquête. Son témoignage illustre l’un des nombreux déséquilibres qui caractérisent les systèmes alimentaires actuels. « Nos récoltes sont achetées à un prix dérisoire. Les négociants et les intermédiaires achètent nos récoltes au prix qui leur convient, au détriment des agriculteurs », a-t-il souligné.
L’amélioration de l’accès aux prêts, au crédit, aux intrants, aux marchés, à davantage d’informations et à de meilleures formations aux techniques agricoles et à la gestion d’entreprise figure parmi les revendications exprimées par les exploitants qui, comme Oscar, ont participé à l’enquête. Les agricultrices ont notamment insisté sur le fait que l’accès aux prêts, au crédit et à un appui financier était essentiel à la réussite de leur activité.
« Cet aspect est particulièrement important pour les petites exploitantes agricoles, qui produisent plus de la moitié des denrées alimentaires et continuent néanmoins à être victimes de discriminations. Ces discriminations se caractérisent par un pouvoir décisionnel, un accès et un contrôle limités concernant les ressources productives, ce qui entrave la participation de ces femmes aux systèmes alimentaires locaux », a déclaré Angeline Munzara, la porte-parole de Vision Mondiale International. Et d’ajouter: « Si l’on veut garantir l’accès à une alimentation sûre et nutritive pour tous, nous devons impérativement écouter l’avis de ces petites exploitantes agricoles et prendre en compte les solutions qu’elles proposent en vue de transformer les systèmes alimentaires. »
Le rapport a permis de dresser plusieurs autres constats. De nombreuses personnes interrogées ont fait part de leurs préoccupations concernant les conséquences des pesticides et des engrais chimiques sur la salubrité des aliments, et ont souligné les avantages que procurent les approches agroécologiques et le fait de baser la production alimentaire sur les systèmes agricoles locaux. Plus de 90% des personnes interrogées ont estimé qu’elles pouvaient agir au sein de leur collectivité pour contrer les effets des changements climatiques; moins d’une personne sur douze a déclaré que la migration était leur seule solution face aux effets des changements climatiques. Contrairement aux hommes, les femmes se préoccupent davantage de l’apport nutritionnel au sein de leur ménage, considèrent plus volontiers le recours aux prêts et au crédit comme un élément clé pour la réussite de leur activité agricole et ont davantage recours aux réseaux informels, comme les amis et le voisinage, en vue d’obtenir des informations.
Le rapport fait partie des documents officiellement présentés au Sommet sur les systèmes alimentaires. Placé sous la direction du Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, ce sommet est l’aboutissement de 18 mois de concertation avec les pouvoirs publics, les producteurs de denrées alimentaires, la société civile et les entreprises sur les moyens à mettre en œuvre afin de faire évoluer la façon dont nous produisons, transformons et consommons les aliments. L’objectif de ce Sommet est de déboucher sur des engagements concrets de la part des chefs d’État et autres dirigeants.