CMR : Nécessité de reconsidérer le rôle des seniors dans la société
Le Directeur de la Caisse Marocaine des Retraites (CMR), Lotfi Boujendar, a souligné, samedi à Rabat, la nécessité de reconsidérer le rôle des séniors dans la société.
S’exprimant à l’ouverture de la quatrième édition des rencontres scientifiques de la CMR, placée sous le thème « Inclusion des seniors: une opportunité pour le développement social et économique », M. Boujendar a mis en avant la nécessité de revoir la perception des séniors en considérant leur rôle dans la société comme force de travail, soit en tant que main d’œuvre qualifiée, entrepreneurs créateurs d’emploi ou en tant qu’acteurs actifs dans la société civile.
Il a, à ce propos, noté que « les travailleurs âgés font souvent face à des stéréotypes, ce qui n’est pas sans conséquences sur leur estime de soi, leur bien-être et leur capacité à rester productifs ».
En outre, le Directeur de la CMR a relevé que la structure du marché du travail et les lois en vigueur peuvent parfois constituer une barrière à l’inclusion des séniors ou du moins ne pas l’encourager.
Le Maroc, a-t-il dit, est en voie d’achever sa transition démographique par l’effet combiné de l’amélioration de l’espérance de vie et de la chute de la fécondité.
Et de poursuivre: « Ces constats auront sans doute des répercussions inéluctables sur les besoins socio-économiques et sur l’équilibre des transferts intergénérationnels, qu’il faudra anticiper en repensant le modèle social qui organise la vie des individus en trois phases, à savoir une jeunesse studieuse, une maturité laborieuse et une retraite heureuse ».
Cette trilogie, a expliqué le Directeur de la CMR, se heurte aujourd’hui à une situation économique et démographique totalement différente de celle dans laquelle elle a vu le jour et qui ne permet plus de focaliser l’activité économique sur la tranche d’âge 25-60 ans.
Pour sa part, le directeur du centre d’études et de recherches démographiques (CERED) du Haut Commissariat au Plan, Mohammed Fassi Fihri, a indiqué que le Royaume est appelé à tirer profit de ses ressources humaines, jeunes et séniors, pour bien profiter de la première et la seconde aubaine démographique, relevant que l’avenir des séniors se profile au regard des jeunes d’aujourd’hui.
Dévoilant quelques statistiques sur les séniors au Maroc, le directeur du CERED a relevé que cette tranche d’âge est actuellement de 6 millions d’individus et seraient de 12,9 millions en 2050, faisant remarquer une augmentation de leur poids dans la population en âge d’activité (de 21,9% actuellement à 36,1% en 2050).
Dans le détail, M. Fassi Fihri a noté que les quasi-séniors (55-64 ans) sont au nombre de 3,2 millions de personnes, précisant que 44% sont des actifs occupés, 0,8% sont au chômage et 55,2% sont en dehors du marché du travail.
Le taux d’emploi des quasi-séniors âgés de 55-64 ans s’élève à 44%, qui dépasse la moyenne nationale qui est de 41,6% et qui chute pour les 65 ans (17,2%), a-t-il précisé.
De son côté, Gustavo Demarco, économiste principal, responsable du thème des retraites à la Banque mondiale a relevé que les preuves empiriques montrent que l’augmentation de l’emploi de travailleurs âgés ne réduit pas l’emploi des jeunes.
- Demarco a insisté sur l’importance de changer le paradigme dans l’assurance sociale entraîné particulièrement par le changement dans le monde du travail et le changement technologique.
« Le changement de paradigme peut impliquer un plus grand espace pour la retraite flexible, les plans d’épargne, la prestation minimale non contributive à base large et l’utilisation de la technologie pour la prestation des services », a-t-il expliqué.
Le vice doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Agdal, Fathallah El Menouali s’est félicité, quant à lui, de l’organisation de cet événement, relevant que celui-ci constitue un carrefour de partage et d’échange d’expertises pour croiser les regards dans un domaine « pour lequel les études de recherches scientifiques à la Faculté accordent énormément d’intérêt ».
Intervenant lors d’un panel sous le thème « Inclusion des seniors: regards croisés », le secrétaire général du ministère de l’inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Noureddine Benkhalil a jugé que le maintien en activité des séniors et leur inclusion dans le marché de travail constituent une opportunité incontournable de développement économique et social.
Il a, dans ce sens, cité quelques dispositions favorables au maintien en activité des personnes âgées au Maroc, notamment le maintien en service pour le travail salarié, la législation des travailleur non salariés et le volontariat contractuel.
Dans la même veine, M. Benkhalil a souligné l’importance d’asseoir un système de formation tout au long de la vie, de mettre en place des mesures incitatives à l’activité des personnes âgées et d’adapter les postes de travail à même de maintenir les seniors en activité.
Il s’agit également de développer un système de santé adapté aux personnes âgées et réaliser des activités visant la cohabitation inter générations à même de favoriser le maintien, a-t-il soutenu, estimant que les politiques relatives à l’activité des séniors et aux assurances sociales auront « un rôle central » pour les prochaines décennies.
Cet événement a été aussi l’occasion pour Larbi Jaïdi, Senior Fellow au Policy Center for the New South (PCNS) d’émettre trois principales recommandations sur le sujet de l’inclusion des seniors.
Il s’agit d’approfondir les recherches sur ce profil en spécifiant la catégorie socio-économique et le niveau de vie, réfléchir à une politique d’accompagnement de cette tranche d’âge, notamment au niveau de la protection sociale, et reprendre le concept de la « silver économie » et l’adapter à la réalité.
Pour sa part, Jamal Rhamani, ancien ministre de l’emploi et professeur de sociologie, qui intervenait lors d’un autre panel sous le thème « Quels dispositifs favorisent l’inclusion des séniors et dans quelles condition? », a relevé la nécessité de valoriser le potentiel non négligeable de savoirs des séniors qui est en mesure de contribuer activement au développement (leurs savoirs et leur transmission aux générations futures).
Il est question aussi de mettre en avant le rôle économique important des personnes âgées, non en tant que consommateurs mais également de producteurs de richesses matérielles et immatérielles, a noté M. Rhamani.
S’agissant de la professeur en droit du travail à l’Université Mohammed V de Rabat, Oumayma Achour, elle a indiqué que la problématique de l’emploi des seniors varie en fonction des secteurs d’activités, plus au moins exposés à la pénibilité, et des niveaux de diplôme des travailleurs
Elle a également fait savoir que les départs massifs en retraite représentent une énorme perte professionnelle pour l’entreprise. « Plusieurs sociétés ont décidé de réembaucher d’anciens retraités, et d’instaurer des programmes de réintégration. Cette stratégie leur permet de profiter de la riche expérience et des nombreux savoir-faire des seniors au travail », a dit Mme Achour à ce propos.
De son côté, Mounia Sebti, médecin de travail, a noté que la médecine de travail, « exclusivement préventive », est méconnue jusqu’à aujourd’hui par les employeurs et les employés, relevant que celle-ci accompagne le travailleur actif depuis son embauche jusqu’à la fin de sa carrière.
Elle a, à cet égard, mis en avant la nécessité de réfléchir à mettre en place des services de médecine de travail dans l’ensemble des établissements publics et privés à même de préserver la santé physique et morale des travailleurs.
Cette rencontre, tenue en format hybride, a connu par la participation d’éminents experts nationaux et internationaux, dont Lamia Houssni, Managing Director – entrepreneur Academy & P. Curosity à l’Université Mohammed VI polytechnique, Montserrat Pallares-Miralles, spécialiste sénior de la protection sociale (économiste de l’assurance sociale) à la Banque mondiale, et Daniel Van Daele, président du Conseil consultatif fédéral des aînés en Belgique.