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Moody’s : l’économie marocaine reste stable et résiliente malgré les défis

Le Maroc s’apprête à alléger le fardeau budgétaire des projets d’infrastructures en vue de la prochaine Coupe du Monde de la FIFA 2030, de la CAN 2025 et des efforts de reconstruction post-séisme.

Moody’s Investors Service a confirmé dans son rapport publié vendredi la notation du Maroc à Ba1 en tant qu’émetteur à long terme et en tant que dette senior non garantie, maintenant une perspective stable malgré les défis économiques persistants.

La notation reflète les forces institutionnelles du pays, sa gouvernance stable et sa gestion efficace des crises, tout en reconnaissant les risques socio-économiques auxquels le Maroc est confronté en permanence.

Bien que le gouvernement ait réalisé des progrès impressionnants en matière de réforme économique et de stabilité politique, des obstacles tels que les faibles niveaux de revenus et les disparités persistantes entre les régions et les groupes sociaux entravent une consolidation budgétaire plus rapide et des progrès en matière de développement.

Résilience institutionnelle et atouts politiques
La note Ba1 du Maroc reflète sa capacité à gérer les chocs économiques, soutenue par un cadre institutionnel résilient et une gouvernance efficace. Le pays a constamment démontré sa capacité à gérer les crises extérieures grâce à une mise en œuvre judicieuse des politiques.

« Nous nous attendons à ce que le gouvernement poursuive ses efforts de consolidation budgétaire face à la pression sur les dépenses liée aux réformes de la sécurité sociale et à un vaste pipeline de projets d’infrastructures ainsi qu’à une exposition continue aux chocs, notamment ceux liés au climat », indique le rapport de Moody’s.

Les politiques macroéconomiques et monétaires de Bank Al-Maghrib (BAM), notamment ses efforts pour contrôler l’inflation et libéraliser progressivement le taux de change depuis 2018, ont été essentiels au maintien de la stabilité.

La semaine dernière, le conseil de BAM s’est réuni pour sa troisième réunion trimestrielle de 2024, au cours de laquelle il a examiné le paysage économique national et international actuel ainsi que les projections macroéconomiques à moyen terme de la banque.

BAM prévoit un ralentissement de la croissance économique à 2,8 % d’ici la fin 2024, avec un rebond à 4,4 % attendu en 2025.

Malgré de fortes pressions extérieures, l’approche mesurée du Maroc en matière de réformes, notamment la libéralisation du marché des changes, a renforcé la crédibilité de ses politiques économiques.

La politique budgétaire a su trouver un juste équilibre entre la lutte contre les défis sociaux et extérieurs et le respect de la discipline budgétaire. Ces dernières années, le gouvernement a donné la priorité aux réformes visant à renforcer les systèmes de protection sociale, à améliorer l’éducation et à accroître l’accès aux soins de santé.

Gestion de la dette et des besoins en infrastructures

Moody’s prévoit que la dette publique du Maroc restera stable à environ 65% du produit intérieur brut (PIB) dans les années à venir, reflétant la stratégie du gouvernement visant à gérer la dette publique tout en s’attaquant aux dépenses essentielles en matière de santé et de protection sociale.

Le cadre budgétaire 2024 prévoit une augmentation de 2,3 % du PIB des dépenses de santé et de sécurité sociale, qui sera équilibrée par la suppression progressive des subventions énergétiques et l’amélioration de la génération de recettes.

Parallèlement, le Maroc prévoit de rechercher des partenariats public-privé (PPP) pour alléger le fardeau budgétaire des projets d’infrastructures, notamment les préparatifs de la Coupe du monde de la FIFA 2030 et de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025, ainsi que la reconstruction post-séisme et les investissements liés au climat.

Malgré ces initiatives, Moody’s prévoit une légère baisse du déficit budgétaire, projetant une diminution de 4,2 % du PIB en 2024 à 3,8 % en 2026. Cependant, l’objectif à moyen terme du gouvernement de réduire le déficit primaire à 0,6 % d’ici 2026 pourrait prendre plus de temps à atteindre en raison des pressions continues sur les dépenses, tant dues aux dépenses récurrentes qu’aux projets à grande échelle.

Néanmoins, les coûts d’emprunt favorables du Maroc et ses pratiques stables de gestion de la dette devraient soutenir le maintien du ratio d’endettement du pays à environ 65 % du PIB.

Contraintes de crédit, risques environnementaux et exposition économique

Le Maroc continue de faire face à des obstacles socio-économiques, notamment en ce qui concerne les inégalités de revenus, le chômage et l’accès inégal à l’éducation et aux soins de santé, qui constituent des contraintes majeures sur le profil de crédit du pays.

Le marché du travail est caractérisé par une forte informalité, avec un taux de chômage des jeunes de 27 % et une participation des femmes au marché du travail de seulement 19 %, contre 69 % pour les hommes.

Ces problèmes entravent la capacité du pays à assurer une croissance durable et des niveaux de revenus plus élevés. Le revenu par habitant du Maroc en 2023, mesuré à 10 460 dollars en parité de pouvoir d’achat (PPA), était considérablement inférieur au revenu médian de 27 316 dollars pour les pays ayant une cote de crédit similaire. Les disparités géographiques entre les zones urbaines et rurales entravent également davantage les progrès vers une croissance économique renforcée et la création d’emplois.

L’économie marocaine est particulièrement vulnérable aux risques environnementaux, notamment la pénurie d’eau et le changement climatique, qui posent des défis depuis près de six ans. Le ministère de l’Eau et de l’Equipement a signalé une baisse de 70 % des précipitations en janvier par rapport à la moyenne sur 30 ans, tandis que les températures estivales extrêmes atteignant 50°C épuisent les nappes phréatiques et menacent les rivières.

En réponse, le Maroc souhaite produire 1,7 milliard de mètres cubes d’eau dessalée par an d’ici 2030 à travers une trentaine d’usines, soit suffisamment pour fournir de l’eau potable à la moitié de la population.

L’agriculture, qui représente 10 à 15 % du PIB du pays et emploie environ 35 % de la main-d’œuvre, est particulièrement affectée par ces facteurs environnementaux, le recours aux pratiques pluviales augmentant l’exposition à la variabilité climatique et entraînant des modèles de croissance erratiques.

Bien que le gouvernement ait donné la priorité aux investissements dans la résilience climatique par le biais de projets d’énergie renouvelable et d’initiatives de conservation de l’eau, la mise en œuvre de ces efforts s’est avérée lente et les risques environnementaux liés au changement climatique continuent d’avoir un impact sur les performances économiques et les perspectives de crédit du pays.

Perspectives et ajustements potentiels de notation

Les perspectives stables de Moody’s se traduisent par une évaluation équilibrée des perspectives du Maroc, anticipant que le gouvernement poursuivra ses réformes économiques et sociales tout en renforçant la résilience du pays aux chocs intérieurs et extérieurs.

Il existe toutefois des risques de baisse, notamment si le gouvernement peine à maintenir la consolidation budgétaire dans un contexte de pressions croissantes sur les dépenses. Des progrès plus lents que prévu dans la lutte contre les disparités socioéconomiques et la stimulation de la création d’emplois formels pourraient entraver la croissance économique future.

Les projets d’infrastructures à grande échelle et les réformes ambitieuses de la protection sociale peuvent mettre à rude épreuve les finances publiques s’ils ne sont pas gérés avec soin, ce qui peut entraîner une augmentation de la dette publique.